Le rôle des mères dans la transmission des luttes afroféministes

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Le rôle des mères dans la transmission des luttes afroféministes

Dans de nombreuses cultures africaines et diasporiques, les mères occupent une place centrale dans la famille et la communauté. Au-delà de leur rôle de protection et d’éducation, elles sont aussi des passeuses de mémoire et de luttes. Dans le cadre de l’afroféminisme, les mères transmettent non seulement des valeurs, mais aussi une conscience politique, un héritage de résistance et des stratégies de survie. Leur rôle est essentiel pour assurer la continuité d’un mouvement qui se nourrit du passé tout en se projetant vers l’avenir.

Les mères comme premières éducatrices

La famille constitue le premier lieu d’apprentissage. Les mères y transmettent des savoirs pratiques, des récits familiaux et une vision du monde. Pour les filles afrodescendantes, ces enseignements prennent souvent une dimension particulière : apprendre à naviguer dans des sociétés marquées par le racisme et le sexisme.
Les mères transmettent ainsi des outils de résilience, parfois de manière implicite, à travers des gestes du quotidien, des proverbes ou des histoires racontées au détour d’un repas.

Héritage de luttes et de résistances

Dans les contextes de colonisation, de migration et de discriminations, les mères ont souvent été en première ligne : elles ont dû défendre leur dignité, protéger leurs familles et résister à l’exclusion.
Certaines ont participé activement à des mouvements politiques ou syndicaux, d’autres ont résisté par des formes plus discrètes : garder vivantes les langues, préserver des pratiques culturelles, transmettre des récits occultés par l’histoire officielle.
Cet héritage de lutte, qu’il soit visible ou souterrain, nourrit aujourd’hui les nouvelles générations afroféministes.

L’afroféminisme transmis par l’exemple

La transmission ne passe pas uniquement par les mots, mais aussi par les actes. Une mère qui défend ses droits, qui refuse une injustice ou qui s’engage dans une action associative envoie un message puissant à ses enfants.
Ces exemples concrets forgent une conscience critique et encouragent les jeunes générations à poursuivre la lutte. L’afroféminisme n’est pas seulement une théorie, mais une pratique quotidienne incarnée dans les gestes des mères.

Les mères et la construction identitaire

Pour de nombreuses jeunes femmes afrodescendantes, la mère joue un rôle décisif dans la construction de l’identité. Elle transmet un rapport au corps, à la beauté, aux cheveux, à la langue, à la religion ou aux traditions.
Ces transmissions peuvent parfois être sources de tension, surtout lorsque les mères ont intériorisé certains discours dominants. Mais elles ouvrent aussi un espace de dialogue intergénérationnel où les filles réinventent et prolongent les luttes, à partir des fondations posées par leurs mères.

Défis et silences

La transmission n’est cependant pas toujours fluide. De nombreuses mères portent en elles des traumatismes liés au racisme, à l’exil ou à la précarité. Ces blessures peuvent se traduire par des silences, des non-dits ou une difficulté à aborder certaines questions.
Les nouvelles générations afroféministes s’efforcent alors de briser ces silences, de nommer les violences et d’ouvrir des espaces de parole où mères et filles peuvent reconstruire ensemble une mémoire partagée.

Quand la transmission devient collective

Au-delà du cadre familial, la transmission des luttes afroféministes est aussi assurée par des mères symboliques : militantes, écrivaines, artistes ou intellectuelles. Leurs œuvres et leurs actions nourrissent l’imaginaire collectif et offrent des modèles de force et de résistance.
Des figures comme bell hooks, Audre Lorde ou encore Awa Thiam sont devenues des « mères intellectuelles » pour des générations entières, même sans lien biologique direct.

En résumé 

Les mères, biologiques ou symboliques, sont des piliers de l’afroféminisme. Elles ancrent les luttes dans le quotidien, transmettent des récits invisibilisés et inspirent les nouvelles générations.
Reconnaître leur rôle, c’est aussi élargir notre compréhension du militantisme : il ne se joue pas seulement dans les rues ou les livres, mais aussi dans les cuisines, les salons et les histoires racontées le soir.
C’est grâce à cette transmission intime et collective que l’afroféminisme continue de s’enraciner, de se renouveler et de s’affirmer comme un mouvement porteur d’avenir.