Afroféminisme et écologie : penser l’écoféminisme depuis l’Afrique et la diaspora

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Afroféminisme et écologie : penser l’écoféminisme depuis l’Afrique et la diaspora

L’écoféminisme, qui lie la lutte pour l’égalité des genres à la protection de l’environnement, a trouvé un écho particulier dans les sociétés africaines et au sein des diasporas. Pour les femmes afrodescendantes, la question écologique est indissociable de la justice sociale, économique et raciale. L’afroféminisme écologique émerge ainsi comme une approche spécifique, qui articule défense des territoires, mémoire des luttes et revendications féministes.

Écoféminisme et afroféminisme : des luttes liées

L’écoféminisme, né dans les années 1970, part du constat que l’exploitation de la nature et l’oppression des femmes reposent sur des logiques communes : domination, appropriation et invisibilisation.
L’afroféminisme enrichit cette analyse en y ajoutant une dimension historique : l’exploitation coloniale et raciale des terres et des corps. Pour de nombreuses femmes africaines, la lutte pour la dignité passe autant par la reconnaissance de leur rôle social que par la défense de leurs environnements menacés.

Les femmes africaines en première ligne

Sur le continent africain, les femmes sont souvent les premières gestionnaires des ressources naturelles : elles cultivent, puisent l’eau, assurent la subsistance familiale. Les changements climatiques, la déforestation ou l’accaparement des terres les touchent donc directement.
Elles sont aussi en première ligne des mobilisations. On peut citer Wangari Maathai, militante kényane et prix Nobel de la paix, qui a lancé le mouvement Green Belt en plantant des millions d’arbres pour lutter contre la déforestation et autonomiser les femmes.
Ces initiatives montrent que l’écologie, pour les femmes africaines, est indissociable d’une quête d’autonomie et de justice sociale.

Diaspora et conscience écologique

Dans les diasporas africaines, l’écologie prend souvent la forme d’un retour aux sources : pratiques alimentaires inspirées de la cuisine traditionnelle, valorisation des cosmétiques naturels, circuits courts et artisanat responsable.
Les jeunes générations afrodescendantes s’approprient ces pratiques tout en les reliant aux luttes globales contre le racisme environnemental. Ce concept désigne le fait que les communautés racisées subissent de manière disproportionnée les conséquences de la pollution, du dérèglement climatique et de la mauvaise gestion des ressources.

Racisme environnemental : un enjeu global

De l’Afrique subsaharienne aux quartiers marginalisés en Europe, les populations afrodescendantes vivent souvent dans des zones plus exposées aux risques environnementaux : industries polluantes, manque d’accès à l’eau potable, insalubrité des logements.
L’afroféminisme met en lumière ces inégalités en dénonçant le lien entre la domination patriarcale, raciale et environnementale. Protéger l’environnement, c’est aussi lutter pour des conditions de vie décentes et équitables.

Les arts et la pensée afrofuturiste

De nombreuses artistes afrodescendantes explorent le lien entre écologie et justice sociale à travers l’afrofuturisme. En imaginant des mondes où la nature et les communautés vivent en harmonie, elles proposent des alternatives aux modèles destructeurs actuels.
La littérature, la musique et les arts visuels deviennent ainsi des espaces de réflexion et de mobilisation. Ils permettent d’élargir la conscience écologique en l’ancrant dans une vision créative et décoloniale.

Défis et perspectives

L’afroféminisme écologique doit faire face à plusieurs défis :

  • La marginalisation des voix africaines et diasporiques dans les débats internationaux sur l’écologie.

  • Le manque de ressources pour soutenir des initiatives locales menées par des femmes.

  • La récupération institutionnelle, où l’écologie est parfois réduite à un discours marketing sans transformation réelle.

Cependant, les mouvements citoyens, les coopératives féminines et les réseaux transnationaux montrent qu’une autre voie est possible : une écologie qui ne se limite pas à la préservation de la nature, mais qui inclut la justice sociale et la mémoire des luttes.

Une écologie décoloniale et inclusive

L’afroféminisme écologique rappelle que l’écologie ne peut être pensée sans prendre en compte les rapports de pouvoir historiques et actuels. Protéger la planète, c’est aussi défendre les droits des femmes, des communautés marginalisées et des peuples colonisés.
En plaçant les voix des femmes africaines et afrodescendantes au centre, il devient possible de construire une écologie réellement inclusive, décoloniale et porteuse d’avenir.