Les origines de l’afroféminisme au Brésil

Afroféminisme au bresil

Les origines de l’afroféminisme au Brésil : héritages de l’esclavage et résistances féminines

Le Brésil est le pays qui a accueilli le plus grand nombre de personnes réduites en esclavage venues d’Afrique : on estime que plus de 4,5 millions d’Africains y furent déportés entre le XVIᵉ et le XIXᵉ siècle. Cette histoire a profondément marqué la société brésilienne, où les femmes noires ont joué un rôle central dans la résistance, la préservation culturelle et la lutte pour la dignité. C’est dans ce contexte que s’enracine l’afroféminisme brésilien, un mouvement qui conjugue lutte contre le racisme et combat pour l’égalité de genre.

Héritage de l’esclavage : double oppression des femmes noires

Sous le système esclavagiste brésilien, les femmes africaines et afro-descendantes étaient soumises à une oppression multiple. En plus du travail forcé dans les plantations de canne à sucre, café ou coton, elles étaient exploitées dans la sphère domestique et subissaient des violences sexuelles systématiques. Cette situation particulière a façonné une expérience singulière : être à la fois victime du racisme et du sexisme.

Ces violences ont eu des conséquences profondes sur la structure sociale brésilienne. La figure de la mãe preta (mère noire), nourrice des enfants blancs, illustre à la fois l’exploitation et la centralité des femmes noires dans la reproduction sociale. Elles ont transmis des savoirs médicinaux, culinaires et spirituels africains qui survivent encore aujourd’hui dans la culture brésilienne.

Résistances féminines durant l’esclavage

Malgré la brutalité du système, les femmes noires ont développé des stratégies de résistance. Certaines ont participé aux révoltes et aux quilombos, ces communautés d’esclaves en fuite qui constituaient des espaces de liberté. Le plus célèbre est le Quilombo de Palmares, dirigé par Zumbi et Dandara, cette dernière étant une figure emblématique de la lutte des femmes noires au XVIIᵉ siècle.

D’autres résistances étaient quotidiennes et moins visibles : pratiques religieuses afro-brésiliennes comme le candomblé, transmission des langues africaines, ou encore sabotage discret dans les plantations. Ces formes de résistance ont permis de préserver une identité noire collective et de préparer les bases de futures mobilisations politiques.

L’après-abolition : marginalisation et organisation

L’abolition officielle de l’esclavage en 1888 n’a pas apporté de réelle égalité. Les anciens esclaves, en particulier les femmes, se sont retrouvés sans terres, sans droits et confrontés à une ségrégation raciale et économique persistante. Beaucoup furent cantonnées aux travaux domestiques, un héritage encore visible aujourd’hui dans la société brésilienne où la majorité des employées domestiques sont des femmes noires.

Face à cette marginalisation, les femmes afro-descendantes ont progressivement construit des réseaux de solidarité. Au début du XXᵉ siècle, elles se sont impliquées dans les associations religieuses, culturelles et syndicales, posant les jalons d’une conscience politique afroféministe.

La pensée de Lélia Gonzalez : théoriser l’afroféminisme brésilien

Dans les années 1970 et 1980, l’intellectuelle et militante Lélia Gonzalez a donné une assise théorique à ce vécu historique. Elle dénonçait l’« amnésie raciale » du Brésil, qui se voulait une démocratie raciale mais où le racisme structurel persistait. Pour elle, l’expérience des femmes noires devait être analysée comme une condition spécifique, marquée par l’héritage de l’esclavage et la continuité des discriminations.

Son concept d’« amefricanidade » (amefricanité) visait à relier les expériences des femmes noires du Brésil à celles du reste des Amériques. Ce cadre théorique a permis de mettre en lumière l’héritage des résistances féminines, de Dandara aux quilombos jusqu’aux travailleuses domestiques contemporaines.

Héritages et continuité des luttes

Aujourd’hui, l’afroféminisme brésilien s’appuie sur cette mémoire longue de résistance. Les mouvements de femmes noires rappellent que l’oppression qu’elles subissent est enracinée dans l’histoire coloniale et esclavagiste du pays. Leur combat porte à la fois sur la lutte contre les violences raciales et sexistes, l’accès à l’éducation, la reconnaissance du travail domestique et la valorisation des savoirs afro-brésiliens.

Les figures de Dandara, des mères de saintes du candomblé, ou encore de militantes comme Marielle Franco, assassinée en 2018, s’inscrivent dans une même lignée de résistances. L’afroféminisme brésilien puise ainsi sa force dans l’histoire douloureuse mais riche d’un peuple qui n’a jamais cessé de lutter pour la dignité et la liberté.


✨ Les origines de l’afroféminisme au Brésil se trouvent dans l’expérience de l’esclavage et dans la créativité des résistances féminines. Héritières des quilombos et des luttes quotidiennes, les femmes noires brésiliennes ont transformé leur histoire en une force politique et intellectuelle, faisant de l’afroféminisme un outil de mémoire et d’émancipation.